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La Banque du Canada amorce la réduction du taux directeur : les PME peuvent-elles déjà pousser un soupir de soulagement ?

7 juin 2024

Lors de l’annonce sur le taux d’intérêt de juin 2024, la Banque du Canada a baissé son taux directeur de 25 points de base pour l’amener à 4,75 %, après l’avoir maintenu à 5 % depuis juillet 2023. Cette décision reflète une baisse notable de l’inflation telle que reportée par Statistique Canada, le taux de cette dernière ayant chuté à 2,7 % en avril 2024. La Banque s’attend à ce que cette tendance se poursuive vers sa cible de 2 %. Bien que la réduction des taux d'intérêt soit un développement positif, la situation reste difficile pour les propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME) au Canada. Un taux directeur de 4,75 % demeure relativement élevé, se traduisant par des taux élevés par les banques commerciales. Par conséquent, les coûts d'emprunt pour les PME et les ménages restent haut, maintenant un environnement financier et économique contraignant.

De récents sondages menés par la FCEI mettent en évidence une tendance préoccupante chez les propriétaires de PME face aux taux d'intérêt élevés. Dans notre sondage Votre voix de septembre 2023, plus de la moitié des propriétaires de PME (56 %) ont indiqué avoir déjà subi les impacts des taux d'intérêt élevés. De plus, un propriétaire de PME sur quatre (24 %) prévoyait que son entreprise soit affectée dans le futur, probablement parce que les effets des hausses de taux d'intérêt sur l'économie et le système financier peuvent prendre de 18 à 24 mois avant de se matérialiser.

Plus d’une PME sur deux est négativement affectée par des taux d’intérêt élevés, et un autre quart pense qu’elle le sera dans le futur

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Source :   Le sondage omnibus de la FCEI, Votre voix – septembre 2023, a été mené en ligne du 7 au 22 septembre 2023. Au total, 2 539 membres de la FCEI propriétaires d'entreprises indépendantes canadiennes, de tous les secteurs et de toutes les régions du pays, ont répondu à la question ci-dessous. À des fins de comparaison, un échantillon probabiliste comportant le même nombre de répondants aurait une marge d'erreur de +/- 1,9 %, 19 fois sur 20.

Question :  Dans quelle mesure l’augmentation des taux d’intérêt a-t-elle un impact sur votre entreprise? (Sélectionner une seule réponse)

 

«Les clients n'ont plus autant de fonds supplémentaires, donc ils ne viennent plus aussi souvent dans notre entreprise.»

- PME en services sociaux, Alberta

 

«En raison des taux d'intérêt élevés, le marché de l'investissement immobilier et de la rénovation a tellement chuté que nos ventes cette année ont diminué de 20 % par rapport à l'année dernière.»

- PME de commerce de gros, Ontario

De plus, notre sondage d'avril 2024, Les perspectives de votre entreprise, a examiné l'impact des hausses du taux d'intérêt et a révélé qu'environ quatre propriétaires de PME sur dix (42 %) ont dû augmenter leurs prix, 41 % ont vu une diminution de la demande pour leurs biens et leurs services tandis que 39 % ont dû faire face à une hausse des coûts de financement à long terme.

Environ 4 PME sur 10 ont dû augmenter leurs prix, ont subi une baisse de la demande ou sont confrontées à une hausse des coûts de financement en raison de la hausse des taux d’intérêt

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Source :   Le sondage de la FCEI, Les perspectives de votre entreprise, a été menée en ligne du 7 au 22 avril 2024. Au total, 647 membres de la FCEI propriétaires d'entreprises indépendantes canadiennes, de tous les secteurs et de toutes les régions du pays, ont répondu à la question ci-dessous. À des fins de comparaison, un échantillon probabiliste comportant le même nombre de répondants aurait une marge d'erreur de +/- 3,9 %, 19 fois sur 20. 

Question :  Quel a été l’impact des hausses du taux d’intérêt sur votre entreprise? (Sélectionner toutes les réponses pertinentes)

Pour mettre en perspective ces résultats, en particulier ceux qui concernent les coûts de financement, les données du Baromètre des affairesMD mensuel de la FCEI révèlent qu'en mai 2024, la part de PME canadiennes déclarant que les coûts d'emprunt constituent un problème majeur est presque deux fois plus élevée que la moyenne historique, soulignant une situation alarmante. Avec cette capacité d'emprunt restreinte, les propriétaires de PME ont moins de possibilités d'investir dans leurs opérations, ce qui complique davantage leurs perspectives économiques dans un contexte de contraintes et de pressions liées à des coûts élevés.

Environ 1 PME sur 2 mentionne que les coûts d’emprunt constituent un problème majeur parmi leurs coûts d’exploitation (% de réponse)

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Source: FCEI, Baromètre des affairesMD mensuel, février 2009 à mai 2024.

Question:  Parmi les coûts d’intrants suivants, lesquels posent actuellement des problèmes à votre entreprise ? (Sélectionnez toutes les réponses pertinentes) (Coûts d’emprunt)

De nombreuses PME ont été contraintes d'accumuler des dettes pour traverser la tempête pendant la pandémie. La double pression de devoir rembourser leurs dettes tout en s'efforçant de retrouver une stabilité financière constitue un défi qui nécessite une gestion financière astucieuse et de la résilience. Les PME se retrouvent à naviguer sur un chemin complexe, essayant de trouver un équilibre entre leur durabilité opérationnelle et leur stabilité financière dans une ère post pandémique. Cette incertitude financière peut créer un climat de fragilité permanente pour les PME, les obligeant à trouver des moyens de s'adapter aux pressions concurrentielles, aux coûts d'emprunt élevés et aux changements du marché.

«Avec l’augmentation du taux d’intérêt, les taux des deux compagnies de financement des stocks à qui nous faisons appel pour l’équipement ont augmenté de plus de 14 %. Cela a nettement affecté nos marges bénéficiaires et l’inventaire que nous détenons, aboutissant à un recul des ventes et de nos profits.»

- PME de services personnels, Ontario

 

«Les taux d’intérêt élevés ont réduit le revenu global de notre entreprise, due à un ralentissement du marché immobilier et de la rénovation. En effet, les ménages ont des paiements hypothécaires plus élevés et ne peuvent plus se permettre d’acheter, d’embellir ou rénover leur maison.»

- PME en finance, Assurance, etc., Colombie-Britannique

 

Les taux d'intérêt élevés dépassent le simple monde des affaires et touchent l'économie dans son ensemble. La corrélation entre les taux d'intérêt et les coûts d'emprunt entrave la croissance économique soutenue, comme le reflètent les tendances du PIB. Avec le coût élevé du capital agissant comme un frein pour les entreprises à s'engager dans des activités d'investissement robustes, la croissance annuelle du PIB réel devrait stagner, ralentissant de 1,1 % en 2023 à 0,7 % en 2024, avant de rebondir à 1,9 % en 2025. Ainsi, la trajectoire économique globale risque d'être entravée par une capacité réduite des entreprises à stimuler leur productivité et à contribuer à l'expansion économique. Alors que les décideurs politiques évaluent la situation, trouver un équilibre entre la gestion des taux d'intérêt et la promotion de la croissance économique devient crucial pour orienter l'économie canadienne vers une voie plus prospère.

De plus, des taux d'intérêt élevés contraignent les ventes et la demande des PME. La politique monétaire devrait rester relativement restrictive dans les mois à venir, avec de nouvelles baisses de taux se produisant progressivement et par petits incréments (0,25 % ou 25 points de base). Parallèlement, de nombreux consommateurs renouvellent leurs hypothèques à des taux nettement plus élevés qu'il y a cinq ans. Cette situation continuera de limiter le revenu disponible des consommateurs, exerçant une pression supplémentaire à la baisse sur l'économie.

Pour les PME, cela crée un environnement difficile où la réduction du pouvoir d'achat des consommateurs se traduit par une baisse des ventes et des revenus. Non seulement les taux d'intérêt élevés augmentent le coût des emprunts pour les besoins d'expansion et opérationnels, mais ils réduisent également la demande globale pour leurs produits et services. Cette double pression peut forcer les PME à réduire leurs opérations, retarder leurs plans de croissance, voire éprouver des difficultés pour maintenir leurs niveaux actuels de service et d'emploi.

De plus, l'effet d'entraînement de la diminution des dépenses des consommateurs s'étend à travers divers secteurs, aggravant la pression financière sur les PME. Les secteurs du détail, de l'hébergement et de la restauration ainsi que d'autres secteurs orientés vers les consommateurs sont particulièrement vulnérables, car ils dépendent fortement des dépenses discrétionnaires. Une durée prolongée de coûts d'emprunt élevés et de revenu disponible limité peut entraîner un cycle de réduction de l'activité commerciale et de mises à pied, freinant davantage la croissance économique et la confiance des consommateurs.

Des taux d'intérêt élevés entravent non seulement la création d'entreprises en rendant les prêts plus coûteux pour les futurs entrepreneurs, mais posent également des défis importants aux PME existantes cherchant à se développer ou à maintenir leurs opérations. D’autres pressions, provenant d'autres coûts historiquement élevés, tels que les salaires, le carburant et l'énergie, et les assurances mettent aussi les petites et moyennes entreprises canadiennes en danger.

Même si des taux d'intérêt élevés servent d'outil pour lutter contre l'inflation, les gouvernements à tous les niveaux doivent fournir un soutien essentiel aux PME pour les aider à faire face à la pression qu’une telle politique monétaire crée. Voici quelques mesures qui pourraient être mises en œuvre :

  • Réduire la charge fiscale globale
  • Augmenter le seuil de déduction pour les petites entreprises à 700 000 $ et l'indexer sur l'inflation
  • Améliorer le climat d'investissement pour les sources de financement non traditionnelles afin de fournir plus d'options de financement aux PME (comme un crédit d'impôt pour l'investissement dans une petite entreprise)

 

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Alchad Alegbeh
est Analyste de recherche à la FCEI
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Laure-Anna Bomal
est Economiste à la FCEI
Comment citer ce billet

Alchad Alegbeh et Laure-Anna Bomal, « La Banque du Canada amorce la réduction du taux directeur : les PME peuvent-elles déjà pousser un soupir de soulagement ? », FCEI, Blogue Perspective PME, 7 juin 2024, https://www.cfib-fcei.ca/fr/rapports-de-recherche/la-banque-du-canada-amorce-la-réduction-du-taux-directeur-les-pme-peuvent-elles-déjà-pousser-un-soupir-de-soulagement.

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