Alors que j’écris ce premier article pour notre nouveau blogue de la FCEI, de nombreux propriétaires d’entreprise canadiens se trouvent à la croisée des chemins. Nous sommes passé l’échéance du 18 janvier fixée par le gouvernement fédéral pour le remboursement des prêts du CUEC, et des milliers d'entreprises ont perdu 20 000 $ en prêts pardonnables, ajoutant ainsi à leur dette dans un environnement commercial déjà difficile.
Ce manque de flexibilité de la part du gouvernement ne pouvait pas tomber à un pire moment. Après des années de tumulte historique et constant, les entrepreneurs font maintenant face à l’un des derniers d’une longue série de défis majeurs, soit une inflation marquée. Cela se traduit par des coûts d’exploitation très élevés et des taux d’intérêt plus élevés qui, à la fois, limitent les ventes et ajoutent une pression sur le financement des entreprises. Pour couronner le tout, le monde semble également de moins en moins favorable aux affaires.
Pas facile d’être entrepreneur de nos jours – certains diraient que cela ne l’a pas été depuis des années. D’ailleurs, le Baromètre mensuel des affairesMD de la FCEI a enregistré une nette tendance à la baisse de l'optimisme des chefs d'entreprise à court et à long terme, une tendance qui a en fait commencé il y a des décennies (nous y reviendrons dans un prochain billet de blogue).
Le fardeau des impôts, les formalités administratives et le flux incessant de nouvelles exigences semblent être la nouvelle définition du « privilège » de diriger une entreprise et compétitionner. Cela donne vraiment l’impression que nous, collectivement – peut-être nos gouvernements en premier lieu – tenons certaines choses pour acquises et avons une vision quelque peu étroite de l’entrepreneuriat. Appelons cela la vision « bilan et croissance ». Voici quelques façons familières de l’encapsuler :
- La définition du travail d'un entrepreneur est de monétiser et de faire évoluer autant que possible ses idées de produits ou services innovants. Les nouvelles entreprises doivent viser devenir les multinationales de demain.
- Une entreprise est un véhicule d'optimisation. Ce véhicule alloue le travail, le capital et les autres ressources de la manière la plus rationnelle possible, afin de maximiser les profits.
- Être en affaires, c’est suivre la loi de la jungle. Les entreprises échouent constamment, mais de nouvelles prendront leur place, et c’est ce qui maintient notre économie vivante, compétitive et moderne. Le bouillonnement propre aux ouvertures et fermetures est sain et, pour la plupart des entreprises, leur longévité n’est pas nécessairement une bonne chose, surtout si elles ne grandissent pas.
- Ce n'est pas si grave si nous continuons à rendre la vie difficile aux entrepreneurs. Après tout, leur mission est de résoudre des problèmes et ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort.
Ces descriptions étroites de l’entrepreneuriat semblent constituer une très grande partie de ce sur quoi le public fonde ses attentes à l’égard des entrepreneurs et, en parallèle, ce qui alimente la vision des décideurs politiques lorsqu’ils visent à soutenir le développement économique et les petites entreprises. Nous avons certainement entendu cela assez souvent récemment dans le débat autour d’une prolongation du délai de remboursement du CUEC, où nous pouvons résumer un point de vue populaire comme suit :
PME actuellement en difficulté = firmes mal gérées sans vision ou dynamisme = une chance pour un remplaçant plus affamé et plus en forme
Mais les entreprises en difficulté se sont-elles vraiment retrouvées là où elles sont début 2024 en raison d’un esprit d’entreprise médiocre? Ce qui tire les entrepreneurs vers l’avant, est-ce essentiellement un comportement et une vision d’optimiseurs, de calculateurs uniquement dédiés à (ou obligés de) maximiser les profits pour, en fin de compte, viser à élever leur entreprise au rang de porte-drapeau international du Canada? Pourrait-il y avoir d’autres moteurs? Surtout, est-ce que gagner beaucoup d’argent ou transformer leur projet en une grande entreprise définit nécessairement leur succès?
Bien que la FCEI ait fourni des réponses à la première question dans le cadre du présent débat sur le CUEC, ses données suggèrent également qu'une histoire beaucoup plus nuancée et complexe répond aux autres questions. Les données du graphique plus bas, issues d'une enquête récente que nous avons menée auprès de centaines d'entrepreneurs, révèlent que leurs motivations fondamentales sont variées et bien plus qu'une simple question d'argent et de croissance :
Pourquoi êtes-vous devenu propriétaire d’entreprise?
Source : Le sondage de la FCEI Assurer la réussite de votre entreprise a été mené en ligne du 22 juin au 26 juillet 2023 et 1 569 propriétaires de PME du Canada ont répondu à la question plus haut. À titre de comparaison, un échantillon probabiliste de cette taille aurait une marge d’erreur de +/- 2,5 %, 19 fois sur 20.
Remarque : Les participants pouvaient sélectionner plusieurs réponses.
Comme le montre le graphique ci-dessus, la décision de devenir entrepreneur découle avant tout de la volonté d’être son propre patron et de prendre ses propres décisions (69 % des personnes interrogées). L’importance de cette particularité de l’entrepreneuriat – à savoir incarner l’indépendance et la liberté, valeurs cardinales d’une démocratie libérale – est parfois oubliée.
De nombreux entrepreneurs étaient également initialement motivés par un désir de développement personnel et de prendre soin de soi (« poursuivre une passion/un intérêt » → 47 %, « me mettre au défi et grandir », → 45 %, « utiliser au mieux mes compétences » → 42 % , « meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée » → 31 %). Cela met en évidence une autre grande fonction de l’entrepreneuriat, qui est d’amener les gens sur leur « x », c’est-à-dire là où ils veulent/doivent vraiment être afin qu’ils puissent contribuer au mieux à la société. Ici, le capitalisme, sous la forme de projets d’entreprises, canalise le désir d’autonomie des gens d’une manière importante : non pas en avidité comme les détracteurs aiment le caricaturer, mais réellement pour le bien commun.
Parlant de société et de quelque chose de plus grand que le point de vue individuel, de nombreux répondants au sondage mentionnent également avoir été motivés par le fait d’entretenir le tissu social et familial qui les entoure (« contribuer à ma communauté » → 30 %, « créer des emplois dans ma communauté » → 28 %, « poursuivre l'entreprise familiale » → 21 %). Lorsque nous avons approfondi cette idée dans une enquête similaire de 2018 en demandant pourquoi contribuer au bien-être social de leur communauté ou du monde était un facteur de motivation, nous avons reçu des centaines de commentaires de propriétaires d'entreprise expliquant qu'ils étaient soit un fournisseur unique de services locaux à leur communauté, un point de rencontre populaire, qu'ils soutenaient les habitants par des dons ou commandites, qu'ils offraient une première opportunité d’emploi à de jeunes travailleurs ou qu'ils essayaient de démontrer/partager à travers leur projet d'entreprise des valeurs qu'ils jugeaient importantes.
Dans notre récente enquête, les entrepreneurs ont également été invités à expliquer comment ils définiraient et mesureraient leur succès :
Comment définissez-vous votre succès professionnel et celui de votre entreprise?
Veuillez choisir les réponses que vous considérez les plus importantes.
Source : Le sondage de la FCEI Assurer la réussite de votre entreprise a été mené en ligne du 22 juin au 26 juillet 2023 et 1 568 propriétaires de PME du Canada ont répondu à la question plus haut. À titre de comparaison, un échantillon probabiliste de cette taille aurait une marge d’erreur de +/- 2,5 %, 19 fois sur 20.
Remarque : Les participants pouvaient sélectionner plusieurs réponses.
Même si gagner suffisamment d'argent pour être à l'aise était la définition la plus populaire (76 % l'ont sélectionnée), honnêtement, ce choix serait probablement aussi un objectif de vie populaire si tous les Canadiens étaient sondés.
Au-delà de cela, certains des autres meilleurs choix font en fait écho à nos autres résultats d’enquêtes de 2023 et 2018 mentionnés précédemment, comme la satisfaction personnelle (74 %), la construction d’une marque et d’une réputation fortes (72 %) ou la création d’un impact positif sur la société/communauté (60 %). Gagner beaucoup d'argent (12 %) ou développer/faire croître l'entreprise (51 %), qui répondent à la vision tout à fait acceptable mais plus exclusive de « bilan et croissance » de l'entrepreneuriat décrite ci-dessus, ont reçu une part plus faible de réponses, tout comme l'innovation issue de la création (19 %) ou l’amélioration (35 %), qui est une autre manière courante de stéréotyper les entrepreneurs.
Voilà qui secoue le cliché de l'entrepreneur qui cherche essentiellement à exploiter une nouvelle grande idée, à construire la prochaine multinationale et à faire beaucoup de blé. Le Canada semble plutôt avoir la chance d’avoir un groupe incroyable de personnes qui ont choisi l’entrepreneuriat pour diverses raisons et sont motivées par des objectifs différents. Certains se soucient de la croissance de leur entreprise, certains se soucient de leur croissance personnelle et certains se soucient de la croissance de leur communauté (ou tout cela en même temps). Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise définition ici et nous avons en fait besoin de tout l’esprit d’entreprise que nous pouvons obtenir de la part de tous ces gens pour bâtir un pays fort. Pourquoi ne pas élaborer un programme pour soutenir tous ces types de croissance? Cela donnerait une approche puissante en 2024 et au-delà, alors que nous, en tant que société, abordons comment et pourquoi nous devons montrer notre soutien aux entrepreneurs et aux entreprises indépendantes.
Mon équipe et moi sommes ravis de débuter cette aventure en blogguant sur les perspectives d’affaires et ce que les membres de la FCEI ont à dire sur leurs propres réalités, défis et aspirations. Restez à l’affût de nos prochains billets!