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Chronique juridique | Congédiement pour cause d'incompétence : on recule ou on avance? | FCEI

Rédigé par admin | Jan 30, 2018 11:59:00 AM

Me Rhéaume Perreault, CRIA, Adm. A., Fasken Martineau DuMoulin

Le 4 octobre 2017, la Cour supérieure a rendu une décision importante en matière de congédiement pour incompétence. Celle-ci aura définitivement un impact important sur la manière dont les employeurs auront à gérer des employés qui n’ont pas les compétences nécessaires pour accomplir leurs tâches. Cette décision s’applique en milieu syndiqué, non syndiqué, petite ou grande entreprise1.

Les faits
L’employeur, une Commission scolaire, a congédié un employé pour cause d’incompétence. Celui-ci avait des problèmes de productivité, d’efficacité et remettait du travail rempli d’erreurs. Afin de trouver une solution à ce problème, l’employeur lui a fait signer un Plan d’amélioration de la performance (ci-après « PAP ») dans lequel l’employé s’engageait à améliorer sa performance. Or, celui-ci n’a jamais progressé et l’employeur l’a rencontré à maintes reprises pour l’en aviser. Avant de le congédier, l’employeur lui a même offert un poste de réceptionniste, lui demandant une réponse à l’intérieur de trois (3) jours. Compte tenu du refus de l’employé et de son incapacité à améliorer sa prestation de travail, il a été congédié.

Les décisions
L’arbitre Jean Ménard a accueilli le grief logé par l’employé à l’encontre de son congédiement.  Il reconnait qu’il était incapable d’exercer ses fonctions adéquatement et de la nécessité du PAP. Cependant, il estime que l’employeur a agi de manière déraisonnable puisque ce dernier n’a donné que trois (3) jours à l’employé pour décider s’il acceptait ou non le poste de réceptionniste. L’arbitre a réservé sa compétence quant au remède approprié. Cette décision a fait l’objet d’une requête en révision judiciaire.

L’employeur allègue que l’arbitre aurait dû suivre les critères normalement appliqués, i.e. :

  • le salarié doit connaître les politiques de l’entreprise et les attentes fixées par l’employeur à son égard;
  • ses lacunes lui ont été signalées;
  • il a obtenu le support nécessaire pour se corriger et atteindre ses objectifs;
  • il a bénéficié d’un délai raisonnable pour s’ajuster;
  • il a été prévenu du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part. 

Pour sa part, le syndicat alléguait que les tribunaux québécois se devaient de respecter un critère supplémentaire, lequel est appliqué ailleurs au Canada.  Celui-ci est le suivant : « The employer must establish an inability on the part of the employee to meet the requisite standard to an extent that renders her incapable of performing the job and that reasonable efforts were made to find alternate employment within the competence of the employee. »

Le juge de la Cour supérieure est d’accord avec la position syndicale. Il est d’avis que rien ne justifie que le test appliqué au Canada ne trouve pas application au Québec. Il écrit « Il est illogique que les règles régissant tant les employeurs que les employés, en situation possible de congédiement administratif pour incompétence, soient différentes au Québec par comparaison avec le reste du Canada. Une telle différenciation devrait être édictée par le législateur québécois. Il n’a pas légiféré en ce sens. »

La Cour a donc rejeté le pouvoir en contrôle judiciaire tout en soulignant qu’un employeur doit, avant de procéder à un congédiement pour incompétence, faire « reasonable efforts (…) to find alternate employment within the competence of the employee. »

Conclusion
Il faut bien se garder d’ériger en principe absolu cette récente décision. Cependant, il est indéniable qu’elle fera couler beaucoup d’encre et que certains décideurs pourraient être tentés d’imposer maintenant aux employeurs l’obligation de « déployer des efforts raisonnables pour réaffecter l’employé dans un autre poste compatible » avant de procéder à un congédiement pour incompétence.  

1Commission scolaire Kaivik c. Ménard, 2017 QCCS 4686.

 

Me Rhéaume Perreault

Rhéaume Perreault est reconnu comme étant l’un des meilleurs avocats dans le domaine du droit du travail et de l’emploi par le répertoire The Best Lawyers in Canada de Woodward/White depuis plusieurs années. Il est diplômé en droit de l’Université du Québec à Montréal. Il est également détenteur d’un baccalauréat en relations industrielles de l’Université de Montréal.

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