Lettre ouverte publié dans La Presse, le 17 mai 2023.
Les pénuries de main-d’œuvre frappent trois PME sur cinq au Canada. Cela se vit plus durement au Québec, où 66 % des PME sont freinées par cet enjeu. Plus précisément, en raison du manque d’employés, 44 % d’entre elles ne peuvent pas fonctionner pleinement et 22 % ne peuvent tout simplement pas prendre d’expansion. C’est ce que démontrent les résultats des études de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), qui suit cet enjeu de près.
Les incidences négatives des pénuries de main-d’œuvre sont nombreuses. D’abord, avec le manque d’employés, près de la moitié des PME doivent refuser des ventes et des contrats. Plusieurs articles médiatiques ont déjà couvert ce volet.
Mais ce qui est passé un peu inaperçu est l’impact des heures effectuées qui s’additionnent et se multiplient pour les dirigeants de PME en raison du manque d’employés. Pourtant, c’est celui le plus cité par les entrepreneurs québécois (72 %) lorsque nous demandons quels sont les impacts de la pénurie de main-d’œuvre.
Nombreux sont les propriétaires de restaurants qui débarrassent les tables, les commerçants qui font les heures les soirs et les fins de semaine, et les propriétaires d’usine qui sont sur la chaîne de production ou qui doivent faire des livraisons.
Nos entrepreneurs sont résilients, visionnaires, engagés, mobilisés pour la réussite de leur entreprise et pour l’économie de leur région. Ils bâtissent notre économie et travaillent fort pour qu’elle soit robuste et en santé. Mais, actuellement, les impacts de la pénurie de main-d’œuvre commencent à peser lourd et à hypothéquer leur avenir, et notre avenir.
J’ai corédigé une étude qui démontre que les entrepreneurs québécois en situation de pénurie de main-d’œuvre font une semaine moyenne de 60 heures, l’équivalent d’une semaine de huit jours1 !
Avoir un tel rythme peut affecter négativement notre santé, le niveau de stress et de fatigue, et nous obliger à remettre à demain notre implication auprès de nos proches. Mais aussi, les entrepreneurs pourraient consacrer ces heures à faire de la planification ou du développement d’affaires, à s’informer des programmes gouvernementaux ou à s’occuper du fardeau administratif. En fait, assurer le demain de leur projet d’entreprise et agir pour son succès.
Avec la démographie québécoise, nous vivrons l’enjeu des pénuries de main-d’œuvre pour plusieurs années encore, avec une pointe en 2030. Par conséquent, elles continueront d’exercer une pression sur les PME et il est donc capital de les accompagner pour les aider à s’adapter. Les gouvernements peuvent faire la différence, notamment en augmentant le bassin de main-d’œuvre disponible, en aidant les PME à améliorer leur productivité et en redonnant du temps à nos entrepreneurs par l’allègement réglementaire et administratif.
D’ailleurs, jamais réduire la paperasserie n’aura joué un rôle aussi stratégique !
D’abord, son poids est inversement proportionnel à la grandeur de l’entreprise. Celles possédant moins de cinq employés consacrent en moyenne 165 heures à la réglementation par employé chaque année, comparativement à 17 heures pour les entreprises d’au moins 100 employés2. Avec l’ajout des heures supplémentaires causées par le manque d’employés, l’enjeu devient de plus en plus aigu. Cela, dans un contexte où les plus petites entreprises ont des taux de postes vacants plus élevés et souffrent davantage quand elles ont un poste vacant parce que cela représente une part plus importante de leur main-d’œuvre totale. N’oublions pas que les entreprises de moins de cinq employés représentent la moitié des entreprises (53 %) du Québec.
Si le gouvernement agit sur la réduction de la paperasserie, il offrira l’un des plus beaux cadeaux à nos entrepreneurs.
Tous les ordres de gouvernement peuvent jouer un rôle dans le dossier de l’allègement réglementaire, notamment en adoptant, en exécutant et en développant des plans d’action à cette fin.
Je souligne l’action du gouvernement du Québec et des ministres Pierre Fitzgibbon et Christopher Skeete qui font preuve d’un grand leadership dans ce dossier. D’ailleurs, j’ai l’occasion d’y apporter une contribution comme coprésident du Comité-conseil sur l’allègement réglementaire et administratif du gouvernement québécois.
Il faut poursuivre cet engagement de faire plus pour réduire la paperasserie et redonner du temps à nos entrepreneurs. J’invite tous les élus à faire de l’allègement réglementaire, de l’amélioration de la prestation de services aux entreprises, une priorité de tous les jours. De petits changements au quotidien feront une grande différence pour le succès de nos petites et moyennes entreprises québécoises, surtout pour les aider à affronter le défi du manque d’employés.
François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCEI.