Pénurie de main-d’œuvre : poursuivre sur cette bonne voie, mais en accélérant la cadence

Lettre ouverte parue dans La Presse le 24 juillet 2023.

 

La pénurie de main-d’œuvre n’est plus un phénomène nouveau au Québec. Les entrepreneurs naviguent maintenant dans cette nouvelle réalité. Quant aux consommateurs, on perçoit une adaptation face à la diminution de la prestation de services.

Selon les données les plus récentes de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), on observe une légère baisse du nombre de PME directement touchées par le manque de personnel. En septembre 2022, ce chiffre s’élevait à 66 % des PME québécoises, tandis qu’en mai 2023 il était de 60 %. Mais attendons avant de tirer des conclusions hâtives. La proportion de PME lourdement touchées reste inchangée à 85 %, que ce soit directement (par le manque d’employés) ou indirectement (tous les employés, mais les coûts augmentent).

Compte tenu de la pression énorme sur les dirigeants de PME, il faut en faire plus pour les aider à surmonter la rareté de main-d’œuvre. Parce que les conséquences sont directes : l’équivalent d’une semaine de huit jours pour les dirigeants d’entreprise en manque d’employés, et des pertes économiques majeures pour les PME.

La pression est telle que près de la moitié des PME évaluent un risque à court (6 %) et à moyen terme (40 %) quant à leur survie si le problème persiste ou s’aggrave !

Mentionnons que lorsqu’on compare ces résultats avec ceux de 2021, on constate tout de même une amélioration de la situation. En effet, le nombre de propriétaires de PME estimant que leur entreprise ne pourrait survivre moins d’un an a été réduit de moitié. Quant à l’impact à moyen terme (1 à 4 ans), la proportion est passée de 45 % en 2021 à 40 % en 2023. Toutefois, la part des PME ne pensant pas survivre à long terme (plus de cinq ans) a connu une évolution inverse, passant de 23 % en 2021 à 33 % en 2023.

On voit donc que les efforts des entreprises et les actions gouvernementales portent leurs fruits.

Mais il faut continuer, voire accélérer la cadence des actions en appui aux PME. Rappelons que 95 % des entreprises de l’ensemble du Québec ont moins de 50 employés. On a donc tout intérêt, pour notre avenir économique, à faire en sorte que les petites entreprises puissent relever le défi de la pénurie de main-d’œuvre.

Les dirigeants de PME cherchent à pourvoir des postes à temps plein pour du personnel de production et de métiers spécialisés (80 %), du personnel technique et administratif (50 %), du personnel de vente (46 %), ainsi que des postes de cadres et de gestionnaires (34 %). Ici, le gouvernement du Québec peut les aider en mettant en place une politique d’immigration qui répond aux besoins spécifiques des PME et en élaborant des programmes de formation adaptés au marché du travail d’aujourd’hui et de demain.

Les ministères de l’Emploi, de l’Immigration, de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur ont un rôle clé à jouer.

Les PME demandent aussi au gouvernement du Québec d’augmenter les crédits d’impôt et de réduire leur fardeau fiscal, pour leur permettre d’offrir de meilleures conditions de travail ou d’automatiser leurs procédés.

Ces dernières réclament aussi une amélioration des crédits d’impôt destinés aux particuliers afin de rendre le marché du travail plus attrayant. Dans ce contexte, les actions des ministères des Finances et de l’Économie sont fondamentales pour mieux outiller et soutenir les petites entreprises et leurs employés.

En outre, les entrepreneurs travaillent des heures de fou et ont de moins en moins de temps pour eux-mêmes, ce qui constitue la première conséquence de la pénurie de main-d’œuvre. Résultat : moins d’un tiers des dirigeants de PME sont informés des programmes et des mesures du gouvernement du Québec visant à aider les entreprises à recruter et à former des employés.

Cette saisissante donnée rappelle l’importance de réduire davantage la paperasserie des entreprises. Le travail du ministre délégué à l’Économie, responsable de l’allègement réglementaire et administratif, est central dans le soutien aux PME. Le gouvernement a lui aussi du pain sur la planche pour mieux supporter ces mesures.

Il est impératif de passer à la vitesse supérieure en ce qui concerne l’action concertée pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre au Québec. Des mesures ciblées sont nécessaires, et la création d’un groupe d’action gouvernementale, coprésidé par les ministres de l’Emploi et de l’Économie, pourrait améliorer la coordination des efforts concertés.

Nous pouvons mener le bal pour relever les obstacles posés par la pénurie de main-d’œuvre, et ce, en travaillant de concert afin de déployer davantage de mesures qui aideront concrètement les PME. Commençons maintenant.

François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCEI.