Projet de loi 89 : agir pour le bien-être de la population

Lettre ouverte publiée dans La Presse le 5 avril 2025.

Les syndicats québécois ont joué un rôle central dans la transformation sociale du Québec aux côtés du gouvernement et du patronat. Leur contribution à l’avancement des droits des travailleurs et à l’amélioration des conditions de travail est indéniable. Si chaque réforme ou changement de loi apporte son lot d’inquiétudes, de levées de boucliers et de critiques, de récentes prises de position suscitent toutefois l’inquiétude et ravivent de vieilles préoccupations.

Le projet de loi 89, qui vise à mieux considérer les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out, a été démesurément désigné comme une « menace pour le climat social » par le monde syndical. Certains sont même allés jusqu’à affirmer qu’on assiste à un « retour à l’époque de la Grande Noirceur ».

Or, dans le cas qui nous intéresse ici, le ministre du Travail propose d’ajouter des outils supplémentaires pour stimuler le règlement de conflit - un cas de figure qui existe déjà dans le Code canadien du travail, pensons notamment aux récents conflits dans le transport ferroviaire. L’objectif visé par le gouvernement est de prendre en compte l’intérêt de la population générale pour limiter les incidences négatives de potentiels conflits de travail. 

Cette population, justement, on ne l’entend que trop peu à travers toute l’attention monopolisée par la partie syndicale. Pourtant, les Québécoises et Québécois approuvent l’orientation du ministre du Travail, comme le montrent les résultats d’un sondage Léger réalisé du 14 au 17 mars 2025 :

  • 74 % des répondants estiment que de trop nombreux conflits créent des perturbations néfastes pour l’économie du Québec.
  • 72 % jugent que le gouvernement devrait pouvoir intervenir pour y mettre fin lorsqu’ils affectent l’économie.
  • 70 % sont favorables à une telle intervention dans le secteur public. Même parmi les personnes actives, le soutien à une action du gouvernement est massif.
  • 45 % croient que le gouvernement du Québec devrait pouvoir intervenir pour mettre fin à des conflits de travail dans les entreprises privées alors que 41 % s’y opposent.[1]

Pour qu’une société évolue positivement, ça doit aussi venir de ses leaders. Nous savons que la méthode de la pression syndicale a fonctionné dans le passé. Aujourd’hui, s’il reste d’importantes discussions à mener, il est aussi le temps de faire évoluer la manière de le faire, dans un climat plus sain où l’on peut exprimer ses désaccords tout en restant respectueux. Le patronat s’est lui aussi modernisé, il est aux tables de discussions pour parvenir au consensus et à environnement d’affaires plus stable et prospère. Le dialogue social, lorsqu’il est sincère et constructif, demeure un levier essentiel pour bâtir des compromis durables et répondre aux défis d’aujourd’hui. Nous invitons le monde syndical à nous y rejoindre.

Il est temps d’écouter la population, de la remettre au centre des discussions, elle qui nous rappelle qu’elle attend avant tout des résultats, et non le statuquo auquel les sorties de conflit des dernières années les ont habituées.

Nous avons collectivement la responsabilité de faire en sorte que le Québec sorte plus fort de ces bouleversements. Cela exige que tous les acteurs — gouvernements, entreprises, citoyens et syndicats — jouent pleinement leur rôle, avec lucidité, courage et ouverture.

François Vincent, vice-président pour le Québec à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

Me Marie-Claude Perreault, présidente et cheffe de la direction par intérim au Conseil du patronat du Québec (CPQ).

 

[1] https://www.cfib-fcei.ca/hubfs/advocacy/pdf/2025/Rapport--leger-greves.pdf