Pour des tarifs d’électricité justes, et non une taxe déguisée
Lettre ouverte publiée le 13 février 2023 dans La Presse.
François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCEI et 8 autres signataires *
Le gouvernement a décidé en 2019 de fixer les tarifs d’électricité selon l’inflation, inutile de dire que cette décision était une erreur en raison de la forte inflation que nous vivons actuellement et de la pression que celle-ci met sur le portefeuille des Québécois.
Le ministre Fitzgibbon a récemment tenté de corriger le tir en déposant le projet de loi 2 qui aurait pour effet de plafonner l’indexation des tarifs domestiques et de permettre aux ménages québécois de souffler un peu. Malheureusement, cette solution rate sa cible.
En effet, les tarifs et les conditions de services étaient auparavant fixés annuellement par un tribunal indépendant, la Régie de l’énergie. Or, en 2019, malgré les mises en garde des experts, le gouvernement du Québec a modifié la loi pour tenter de simplifier le calcul des tarifs d’électricité en les indexant plutôt au taux d’inflation. La Régie n’a maintenant le pouvoir de fixer les tarifs que tous les cinq ans.
Malgré la correction proposée dans le projet de loi 2, les tarifs d’Hydro-Québec demeurent sensibles à la variation de facteurs économiques externes qui n’ont rien à voir avec les revenus nécessaires à la société d’État pour distribuer de l’électricité. De plus, contrairement à ce que le gouvernement s’était engagé avant les élections provinciales, les entreprises n’y sont plus protégées et elles verront leurs tarifs augmenter de 6,4% à compter du 1er avril prochain. Ainsi, ce choc tarifaire, du moins une partie, sera refilé aux consommateurs et affaiblira la petite entreprise.
Or, depuis que les tarifs d’Hydro-Québec sont indexés en fonction de l’inflation, la société d’État enregistre des profits records. Et ce, même avant que l’inflation ne s’emballe ! Cela démontre que ce mode d’indexation des tarifs permet à d’Hydro-Québec de récolter des revenus qui sont largement supérieurs à ce qui lui est nécessaire pour distribuer l’électricité.
Certains diront que, puisque ces bénéfices engraissent les coffres de l’État, l’ensemble des Québécois en profitent. Cependant, c’est dans un contexte difficile tant pour les citoyens que les entrepreneurs que cette hausse survient. Cette situation équivaut à notre avis d’imposer une taxe sur un service pourtant essentiel.
Le remède proposé par le projet de loi 2 déposé ne permet en fait que de cacher le vrai problème, soit qu’il n’y a pas d’adéquation entre le taux d’inflation et l’indexation des revenus requis par Hydro-Québec. La seule façon de s’assurer que les tarifs sont équitables, tant pour Hydro-Québec que pour l’ensemble des consommateurs d’électricité, est que les tarifs soient fixés en fonction des besoins réels d’Hydro-Québec. Et pour ça, il faut simplement que ces besoins soient évalués dans le cadre de causes tarifaires annuelles devant la Régie de l’énergie.
Les parlementaires ont une occasion unique à saisir avec le projet de loi 2 pour protéger les clientèles du choc inflationniste et régler définitivement le problème. Ainsi, tous les consommateurs d’électricité n’auront pas l’impression que le tarif qu’ils paient pour leur électricité n’est en fait qu’une nouvelle taxe déguisée, et ce, en pleine crise inflationniste.
* Christian Corbeil, directeur général d’Option consommateurs
Laurence Marget, directrice générale, Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ)
Jean-Pierre Finet, porte-parole du Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ)
Geneviève Morand, directrice par intérim, Union des consommateurs
Émilie Laurin-Dansereau, conseillère budgétaire, ACEF du Nord
Jocelyn B. Allard, président, Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité (AQCIE)
André Bélanger, directeur général, Fondation Rivières
Dimitri Fraeys, vice-président, Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ).