L’heure des choix est venue pour le Québec : le prochain budget doit répondre aux petites entreprises

Lettre ouverte publiée dans La Presse, le samedi 22 mars 2025.

La guerre tarifaire avec les États-Unis a l’effet d’un tremblement de terre pour les petites et moyennes entreprises québécoises. 


L’indice du Baromètre des affaires de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), un indicateur économique reconnu, donne le portrait de la confiance des dirigeants de PME. Lorsque l’indice est supérieur à 50, cela signifie qu’il y a plus d’entrepreneurs qui s’attendent à de meilleurs résultats pour les douze prochains mois, que ceux qui envisagent le contraire. Quand l’indice atteint 65, l’économie roule à plein régime. 


L’an dernier, le Québec était sur une remontée lente. Mais l’entrée en vigueur des tarifs et contre-tarifs entraîne un effet similaire à mars 2020 lorsque le gouvernement du Québec a fermé l’économie. L’indice de février à mars au Québec a chuté de 29,4 points de pourcentage pour s’établir à 24,9 ! 
Les PME de la province n’ont pas été épargnées, même si le gouvernement québécois a annoncé des programmes d’appui, de prêts et de subventions à la formation principalement.
Pour la moitié des PME, c’est le dirigeant de l’entreprise qui présente les demandes de crédits d’impôt. Plus l’entreprise est petite, plus l’entrepreneur sera impliqué dans le processus. Notre économie est une économie de petites entreprises : 95 % d’entre elles ont moins de 50 employés, 53 % ont moins de 5 employés. 


Les politiques gouvernementales qui ne misent que sur les programmes gouvernementaux vont rater la cible, car les propriétaires de petites entreprises seront occupés à éteindre les feux sur le plancher plutôt que derrière leur ordinateur à remplir des formulaires de programmes d’aide. Ajoutons qu’encore 3 PME sur 10 traînent un endettement de 65 000 $ en raison de la pandémie…


Les trois premières demandes des dirigeants de petites entreprises pour les aider à surmonter cette nouvelle crise d’imprévisibilité qui les frappe : baisser la fiscalité des petites entreprises, encourager l’achat local et intégrer les PME dans les approvisionnements gouvernementaux. 


Pour aider nos entreprises à tirer leur épingle du jeu dans ce contexte en étant moins dépendant de nos voisins, il faut s’attaquer aux fondamentaux.


Comment voulez-vous que nos petites entreprises puissent faire face à cette incertitude en ayant la fiscalité la plus lourde et injuste au pays ?


D’abord, nous sommes la seule province qui impose ses plus petites entreprises des secteurs des services et de la construction comme des multinationales. Si elles ont moins de 3 employés à temps plein (allant jusqu’à 6 pour les entreprises saisonnières), elles paient un impôt 259 % plus élevé. Toutes les provinces et le fédéral proposent un taux d’impôt plus bas parce que les coûts et la pression sont plus lourds pour leur taille. Seule une société privée sous contrôle canadien y a accès.  


J’ai écrit deux lettres ouvertes au premier ministre Legault sur cet enjeu.  On ne dit jamais deux sans trois, mais j’aurais préféré ne jamais écrire sur le sujet.


Le premier ministre se compare à l’Ontario, pourquoi ne pas le faire aussi dans le domaine de la fiscalité pour les petites entreprises ? Notre province voisine – comme toutes les autres d’ailleurs - n’impose pas cette injustice à ses micro-entreprises, alors qu’elle en a plus que nous : 59 % des entreprises ontariennes ont moins de 5 employés. 


Le premier ministre Legault a affirmé que la guerre tarifaire pourrait mettre à risque plus de 100 000 emplois au Québec. S’il réglait cette injustice fiscale, une étude nous dit que cela créerait 10 000 emplois. L’analyse suggère aussi que cibler les entreprises de petite taille génère davantage de retombées économiques que soutenir l’ensemble des entreprises. 


Les taxes sur la masse salariale au Québec sont 30 % plus élevées que la moyenne du pays. Autre différence unique, nous sommes la seule province avec une taxe sur la masse salariale provinciale qui n’a pas d’exemption de base pour ses petites entreprises.


Sondage après sondage de la FCEI, les PME affirment qu’avec une diminution de la fiscalité, les économies seraient réinvesties dans l’augmentation de la rémunération des employés, dans des investissements pour améliorer la productivité, dans le remboursement de la dette, dans la formation des employés et dans l’embauche. Donc baisser la fiscalité des petites entreprises serait également positif pour les employés et pour les économies régionales.


Si agir sur ce périmètre est une nécessité, d’autres mesures sont importantes pour aider les PME, notamment sur les questions de paperasserie, de relève entrepreneuriale, le commerce interprovincial ou d’encouragement à l’achat local. 


Un sondage à la population réalisé fin janvier révèle que 76 % des Québécois pensent que le gouvernement du Québec devrait soutenir davantage les PME, et 65 % d’entre eux estiment qu’il mise trop sur les grandes entreprises. 


Le 25 mars prochain, le ministre Girard doit répondre aux petites entreprises et à la population. Le temps presse, pour aujourd’hui et pour notre avenir économique. 


François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCEI.