Lettre ouverte publiée dans La Presse, le 4 avril 2023.
Ce n’est un secret pour personne, les pénuries de main-d’œuvre représentent un défi de taille pour les petites et moyennes entreprises (PME), de même que pour l’ensemble des régions du Québec, province canadienne où l’enjeu sévit le plus. Selon nos récentes données, 59 % des PME canadiennes sont en situation de pénurie de main-d’œuvre, comparativement à 66 % des PME québécoises. Autre donnée parlante : 67 % des dirigeants de PME au Québec considèrent que ce défi devrait être traité comme une priorité élevée par le gouvernement provincial, alors que la moyenne nationale atteint 50 %.
L’immigration et sa régionalisation font partie des solutions. Selon les prévisions d’Emploi Québec, les personnes immigrantes qui s’établiront au Québec permettront de pourvoir un poste sur cinq pour la période 2021-2030. Dans une étude que nous avons publiée, nous appliquons cette proportion au nombre de postes vacants dans les régions administratives québécoises, pour ensuite mettre en relation les résultats obtenus avec la moyenne annuelle d’immigrants accueillis entre 2015 et 2019. Les résultats sont frappants : il y a un déficit annuel de 18 000 immigrants dans les régions administratives du Québec!
Seulement deux régions n’en ont pas : Montréal et Laval. Toutefois, l’immigration ne se limite pas à pourvoir des postes disponibles, c’est aussi un facteur important de croissance économique. De plus, le nombre d’immigrants reçus à Montréal (37 000) et à Laval (2 100) demeure plus bas que l’ampleur des postes vacants, soit respectivement de 80 000 et de 11 000. Nous mettons donc en garde quiconque prétendrait que la solution est de déplacer les immigrants que reçoivent ces deux régions administratives. Il ne faut surtout pas « déshabiller
Pierre pour habiller Paul ». Si c’était la voie choisie, les conséquences sur la métropole seraient désastreuses.
Le manque de nouveaux talents met plus de pression sur les PME des régions, qui vivent les répercussions des pénuries de main-d’œuvre. Les premières conséquences étant que les dirigeants de PME doivent faire plus d’heures (72 %), refuser des ventes ou des contrats (47 %), et que les employés subissent aussi une augmentation de leur charge de travail (58 %). Les pertes économiques pour les PME du Québec sont immenses, atteignant 11 G$ en 2021 seulement!
Nous devons trouver des solutions pour aider nos PME et nos régions par une régionalisation de l’immigration réussie. On parle quand même d’un déficit annuel d’immigrants qui pourrait remplir le Centre Vidéotron à Québec, et d’un déficit cumulé pour 2021 à 2025 de 90 000.
Ce doit être une haute priorité du gouvernement québécois. C’est ce que demandent les dirigeants de PME, et ce, de façon de plus en plus pressante. En janvier 2021, 59 % d’entre eux ciblaient cet enjeu pour assurer le développement économique des régions, cette proportion atteignait 80 % en octobre dernier.
Que devons-nous faire pour ce dossier?
D’abord, il faut se donner un objectif ciblé de nouveaux arrivants pour chaque région. Sans quoi, on adopte des plans de régionalisation, comme on fait depuis l’ère Bourassa d’ailleurs, sans pour autant constater de réels changements.
Ensuite, il faut réduire les défis liés à la régionalisation de l’immigration. Les dirigeants de PME citent les formalités administratives et les délais de traitement des demandes, la disponibilité de logements et d’habitations, les coûts financiers associés à l’embauche de travailleurs étrangers et enfin, l’accès à des organisations pour les aider à trouver les travailleurs étrangers répondant à leurs besoins. Ainsi, il est nécessaire que la construction de
logements soit une priorité nationale et qu’on facilite le maillage entre les immigrants et les entreprises, en misant sur les acteurs présents dans nos régions.
De plus, il faut tenir compte des pistes d’action innovantes, par exemple l’accélération de l’accès à la citoyenneté pour les immigrants s’installant durablement en région et répondant à un besoin du marché du travail.
Par ailleurs, nous devons nous intéresser collectivement à augmenter les seuils d’immigration au Québec. La population est prête selon un sondage Léger qui démontre que 70 % des Québécois croient que le gouvernement du Québec doit en faire davantage pour augmenter le bassin de travailleurs disponibles par le biais de l’immigration économique.
Enfin, je tends la main à Mme Christine Fréchette, ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, pour contribuer à faire de la régionalisation de l’immigration une priorité, mais surtout, une réalité.
Il faut accélérer le travail. Il en va de l’avenir de nos PME et de la vitalité de nos régions.
François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCE