Lettre ouverte publiée dans Les Affaires le 15 novembre 2024.
Certaines recommandations véhiculées dans les médias récemment auraient pour conséquence d’alourdir la fiscalité des PME. Plus précisément, il a été suggéré d’augmenter l’impôt des petites et moyennes entreprises en modifiant la déduction pour petite entreprise (DPE). Cette mesure phare du régime fiscal québécois permet aux PME éligibles de réduire à 3,2 % leur taux d’imposition sur les premiers 500 000 $ de revenus imposables. Elle répond à une réalité bien particulière des plus petites entreprises qui ont des coûts unitaires plus importants que la grande entreprise (pensons par exemple aux tarifs d’électricité), un fardeau administratif plus lourd à porter et un coût et un accès au financement moins avantageux. C’est en quelque sorte l’équivalent d’un régime progressif d’impôt existant pour les citoyens ; citoyens, d’ailleurs, qui soutiennent à 83 % l’établissement d’un taux réduit pour les PME.
La proposition émise vise à abaisser le seuil à 200 000 $ et à faire grimper progressivement le taux entre 200 000 $ et 500 000 $ des revenus imposables, le tout pour réaliser des « économies de dépenses fiscales ». Ne jouons pas sur les mots, c’est bel et bien une proposition d’augmenter de 400 M$ les impôts de dizaines de milliers de PME!
Une nouvelle fois, on reste dans le paradigme de faire payer plus - on pourrait même dire de pénaliser - nos petites entreprises. Comment voulez-vous qu’on augmente la productivité de nos PME quand on leur offre le pire régime fiscal du pays? Les conséquences seraient néfastes pour l’économie. N’oublions pas que les entreprises de moins de 50 employés représentent 94 % des entreprises du Québec.
Notre province représente 20 % de l’économie du pays, mais on y dénombre 61 % des dossiers d’insolvabilité.
De plus, les données de notre Baromètre des affaires inquiètent. Certes, la confiance des PME québécoises remonte, mais elle reste inférieure à sa moyenne historique depuis 30 mois. Ensuite, la proportion de PME signalant des défis liés aux coûts d’exploitation est significativement plus élevée que la moyenne historique sur 15 ans. Enfin de nombreux entrepreneurs indiquent que la croissance de leurs ventes ou de leur production est freinée par la demande insuffisante, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et les problèmes de fonds de roulement. Cette pression majeure a pour effet de diminuer les possibilités d’investir pour les entreprises et, ne cachons pas la réalité, place des entreprises à risque sans retour à la normale.
On parle de taxer davantage nos petites entreprises, alors qu’elles vivent déjà dans l’environnement fiscal le plus lourd du pays. D’une part, elles composent avec un taux d’imposition plus élevé : 8 autres provinces ont un taux plus bas. D’autre part, nous sommes la seule province qui exclue les plus petites entreprises des secteurs des services et de la construction du taux réduit pour petite entreprise. À cela, s’ajoute le fait qu’un employeur ici paie des taxes sur la masse salariale 30 % plus élevées que la moyenne canadienne! Ajoutons que le Québec est la seule province avec une taxe générale sur la masse salariale sans exemption pour les petites entreprises.
D’aucuns pourraient mentionner que le Québec offre une manne en crédits d’impôt et en subventions. Le problème, c’est qu’ils n’atterrissent pas dans les petites entreprises. Seulement 14 % des PME font présentement une demande de crédits d’impôt à Revenu Québec, notamment en raison de la méconnaissance des mesures et des processus pour soumettre une demande. C’est ici qu’un allégement fiscal général répond mieux à la réalité de la petite entreprise et c’est ce qui est désiré. Lorsqu’on leur a demandé de prioriser l’action du gouvernement provincial advenant une réduction fiscale, le premier choix des PME (récoltant un appui de 73 %) est la réduction de l’impôt des petites entreprises.
C’est dans ce contexte que certains proposent d’augmenter les impôts des petites entreprises!
Heureusement, le ministre des Finances a affirmé le 21 mars dernier qu’il protégerait le taux PME lors de l’évaluation des mesures fiscales faites par le gouvernement. C’est lui-même qui précisa que « lorsqu'on parle des dépenses fiscales, on ne parle pas des taux d'imposition ». Le député Frédéric Beauchemin lui demanda de s’engager à ne pas augmenter le taux d'imposition. « Je m'engage. Le taux PME certainement. L'impôt des corporations, ce n'est aucunement notre intention », répondit-il. Le ministre Girard n’aurait pas pu être plus clair.
La Mise à jour économique est le 21 novembre prochain. Pour la santé économique du Québec et de ses régions, j’appelle le ministre des Finances à respecter sa parole. Je l’invite à aller plus loin, en adoptant au prochain budget un plan de réduction de la fiscalité des petites entreprises.
Il est temps de miser sur nos petites entreprises. Il est temps de leur donner les outils pour réussir.
François Vincent
Vice-président, Québec
Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI)